Les mythes de l'Irlande contemporaine -a savoir le tigre celtique et le processus de paix- doivent etre exposes pour ce qu'ils sont.
Voici un excellent article du Monde sur le soi disant "tigre celtique"
10 juin 2008
L’Irlande, un paradis fiscal et quelques frustrations
Quel suspens, ce referendum en Irlande ! Se peut-il que le pays le plus riche d’Europe (après le Luxembourg) dise non au projet de traité ? Les bras des « ouistes » leur en tombent. Quelle absurdité ! Et surtout quelle ingratitude ! Quand vous pensez aux milliards d’euros de subventions que l’Union européenne a déversés sur les Irlandais. Ils pourraient au moins avoir la reconnaissance du ventre.
Le problème, c’est que les statistiques les plus fréquemment avancées pour illustrer le succès économique irlandais sont aussi les plus trompeuses. Exemple : le PIB par habitant (cliquez sur le graphique 1 pour l’agrandir). C’est le plus élevé d’Europe après le Luxembourg. Mais c’est aussi le plus tordu, parce que la principale caractéristique de l’Irlande, c’est d’être un paradis fiscal, où les sociétés multinationales américaines prospèrent plus sûrement que la plupart des Irlandais.
Imaginez qu’un milliardaire s’installe au coin de la rue. La fortune moyenne du quartier va augmenter sensiblement. Pas la vôtre. Imaginez que le milliardaire soit exonéré d’impôts. Cela ne diminue pas les vôtres. Imaginez maintenant qu’on élargisse la rue pour être agréable au milliardaire et attirer ses amis dans le quartier. Ce sont vos impôts qui augmentent, pas les siens.
L’Irlande, c’est un peu ce quartier là. Avec ses milliardaires et avec ses frustrations.
Microsoft a installé en Irlande se filiale de gestion de brevets. Les bénéfices sur les cessions de brevets sont exonérés d’impôts en Irlande. Les cessions de brevets de Microsoft sont comptabilisées dans le PIB de l’Irlande, car leur adresse est en Irlande. Mais les Irlandais n’en voient pas la couleur. Les seuls bénéficiaires sont ailleurs : ce sont les actionnaires de Microsoft, à commencer par Bill
Gates, dont la fortune a grossi au rythme de cette évasion fiscale, au détriment des contribuables américains. Pour les mêmes raisons, maintes firmes produisant de la valeur ajoutée dans la recherche plutôt que dans la production, comme les laboratoires pharmaceutiques, ont installé des filiales ad hoc en Irlande.
C’est pourquoi, lorsqu’on parle de richesse produite en Irlande, mieux vaut se référer au revenu national brut (RNB) : c’est ce que produisent les Irlandais eux même. L’écart entre PIB et RNB dépasse 15%. Au classement européen du RNB par habitant, la situation de l’Irlande est moins exceptionnelle (Graphiques 2 et 3 ci-dessus).
Moins exceptionnelle, mais encore avantageuse. Attention cependant à ce RNB moyen qui, comme toutes les moyennes, efface les contrastes d’une société. Attention également à l’effet hausses des prix, dans un pays où l’inflation fut très vive au tournant du siècle.
Observons donc le salaire médian en standard de pouvoir d’achat : c’est, grosso-modo, le niveau de pouvoir d’achat en-dessous duquel vivent la moitié des Irlandais (Graphique 3). Cette fois, l’Irlande n’a plus rien d’exceptionnel du tout.
Or l’Irlande a une autre caractéristique. La répartition des revenus y est très inégale. Le cinquième le plus pauvre de la population gagne 4,9 fois moins que le cinquième le plus riche. Ce multiplicateur ne dépasse pas 4 en France. Maints Irlandais ont donc des revenus très bas. Et 18% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté (13% en France).
Même si, finalement, le « Oui » l’emporte, il faudra y regarder à deux fois avant de faire de l’Irlande un modèle.
http://dechiffrages.blog.lemonde.fr/2008/06/10/
Voir aussi:
L'Irlande, enrichie, a conservé les infrastructures d'un Etat pauvre
Article publié le 21 Septembre 2007
Par Marion Van Renterghem
Source : LE MONDE
Coté pile :
Le plus pauvre pays d’Europe est devenu, en un temps record, le plus riche de l’Union européenne en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant derrière le Luxembourg, loin devant la France (11e). Sa croissance est plus de deux fois supérieure à celle de l’Hexagone (autour de 5 %), son taux de chômage est le plus bas de l’Europe (4,2 %), son budget est à l’équilibre. Quant à sa dette, elle est quasi nulle. De quoi faire baver d’envie.
Coté face :
Pourtant, la pénurie de transports urbains crée parfois, outre un trafic routier monstre, d’incroyables embouteillages de piétons sur les trottoirs de Dublin. Une des principales villes du pays, Galway, est restée six mois sans eau potable. Les crèches, uniquement privées, proposent des tarifs inabordables pour un parent célibataire. Le ratio entre les dépenses d’éducation et de santé et le PIB par habitant est inférieur à la moyenne européenne. Or, la bonne santé de l’Etat permettrait davantage d’endettement.
Voilà les conséquences du dumping fiscal et social
Comme l’explique l’auteur de l’article, "le pays peine à digérer les fruits d’une croissance et d’une immigration acquises à une vitesse fulgurante".
En effet l’Etat irlandais n’a pas anticipé ce phénomène et ainsi n’a pas développé des infrastructures comme des écoles, des crèches, des transports, des hôpitaux pour faire face à l’accroissement de la population. Un chiffre enfin confirme cela : le ratio entre les dépenses d’éducation et de santé, et le PIB par habitants est inférieur à la moyenne européenne.
L’exemple de l’Irlande nous montre qu’il peut y avoir croissance sans développement. Il n’y a pas eu de volonté et de décisions politiques d’orienter les richesses produites vers les domaines du savoir ( création d’écoles ) et de la santé ( hôpitaux ).
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